Le cumul d’activités pour les enseignants : tout ce qu’il faut savoir
Vous êtes professeur des écoles ou enseignant du second degré et vous commencez à réfléchir à une reconversion professionnelle? Vous en êtes au début de votre projet et la démission ou la rupture conventionnelle vous semblent trop radicales et précipitées. La disponibilité, qui permet de conserver son statut de fonctionnaire mais pas son salaire, n’est pas envisageable financièrement. Dans ce contexte, le cumul d’activités peut représenter une solution intéressante. Cette possibilité offerte par l’Éducation nationale permet de conserver son poste tout en exerçant une autre activité professionnelle, sous certaines conditions. Voyons cela ensemble.

Le cumul d’activités dans la Fonction Publique
L’article L121-3 du Code général de la Fonction publique indique qu’un fonctionnaire doit consacrer “l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées”.
Il est donc interdit à tout agent public, fonctionnaire ou contractuel, de cumuler son emploi à temps complet avec un autre emploi. Toutefois, il peut cumuler des activités accessoires publiques ou privées, sous réserve que celles-ci soient compatibles avec son activité principale et n’affectent pas son exercice. Elles doivent également ne pas porter atteinte à la neutralité du service public. Ces règles s’appliquent aux agents en activité à temps complet ou à temps partiel.
Elles sont régies par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, et par le Décret n°2020-69 du 30/01/20 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.
Les activités interdites avec le cumul d’activités
Certaines activités sont strictement interdites à un agent public, telles que:
- cumuler plusieurs emplois à temps plein
- diriger ou participer à la direction de société ou association à but lucratif
- donner son expertise ou de plaider en justice dans des litiges intéressant une personnes publique (sauf si c’est au profit d’une personne publique)
- détenir, directement ou indirectement, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration, des intérêts de nature à compromettre son indépendance.
Le cumul d’activités soumis à déclaration
Il est dérogé à l’interdiction de cumul d’activités dans les cas suivants :
- un dirigeant d’une société ou d’une association à but lucratif peut continuer à exercer son activité privée pendant une durée d’1 an, renouvelable 1 fois à compter de son recrutement (agent public ou contractuel)
- un agent peut exercer une activité lucrative si son temps de travail est incomplet (quotité inférieure ou égale à 70%) et imposée par l’employeur (contrairement au temps partiel, demandé par l’agent).
Le cumul d’activités sans autorisation
Un agent de la fonction publique a le droit d’exercer librement et sans aucune autorisation préalable les activités suivantes:
- Gestion du patrimoine personnel ou familial;
- Agent recenseur de la population
- Vendanges
- Activité bénévole au profit de personnes publiques ou privées sans but lucratif ;
- Production des œuvres de l’esprit. (Retrouvez la liste de ce qui peut être considéré comme œuvres de l’esprit ci-dessous)
- Exercice d’une profession libérale qui découle de la nature des fonctions exercées.
En d’autres termes, un professeur peut donner des cours dans sa discipline d’exercice, librement. Il n’est pas nécessaire de demander l’autorisation, ni de se mettre à temps partiel.
Pour ce qui est d’exercer une profession libérale autre que donner des cours, il est recommandé, mais la loi ne l’exige pas, d’en informer son administration afin que cette dernière s’assure de l’existence d’un lien réel entre la profession libérale et la nature des fonctions des agents concernés. Vous pouvez également demander l’avis du collège de déontologie de l’éducation nationale.
La lecture de ses avis, disponibles en ligne, est très instructive. On y apprend par exemple qu’un enseignant de physique chimie peut librement créer des vidéos YouTube éducatives et donner des cours particuliers dans sa discipline, mais que l’activité d’écrivain public ne rentre pas dans la liste des productions des œuvres de l’esprit et nécessite la création d’une micro-entreprise et la mise à temps partiel. De même, il vous est possible d’exposer librement vos photos originales dans des galeries d’art, mais il vous faudra solliciter un temps partiel pour création d’entreprise si vous souhaitez être rémunéré pour effectuer des prestations en tant que photographe de mariage. Un enseignant en droit peut exercer la profession d’avocat à condition de ne pas plaider contre l’État. Par contre, un enseignant en économie-gestion ne peut pas exercer en tant qu’expert-comptable.
En cas de recours contentieux, le juge administratif contrôle si les activités libérales découlent ou non de la nature des fonctions d’enseignement.
Le cumul d’activités soumis à autorisation préalable
Le code général de la fonction publique prévoit 2 cas (articles L123-8 et L123-7):
article L123-7 : Exercer une activité à titre accessoire, lucrative ou non, si elle est compatible avec les fonctions de l’agent et s’exerce sur son temps libre.
article L123-8 : Créer ou reprendre une entreprise dans le cadre d’un temps partiel, pour une durée limitée.
Exercer une activité à titre accessoire
Il est possible d’exercer des activités dites “accessoires” sous réserve d’autorisation du supérieur hiérarchique. Ces activités doivent être compatibles avec les fonctions de l’agent et s’exercer sur son temps libre. Elles sont donc tout à fait compatibles avec un temps plein, et ne présentent pas de contraintes de durée, dans le sens où elles peuvent être cumulées aussi longtemps que vous le souhaitez.
L’article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 donne la liste des activités accessoires autorisées. Expertises ou consultations, activités à caractère sportif ou culturel, services à la personne, vente de biens produits par l’agent, enseignement et formation, activité agricole, aide à domicile, travaux chez les particuliers,…
Concernant la rubrique “enseignement et formation”, il convient de rappeler que ces textes de lois concernent tous les fonctionnaires et pas seulement les enseignants. Un enseignant peut librement donner des cours particuliers dans sa discipline, ce n’est pas considéré comme activité accessoire mais comme activité découlant de la nature de ses fonctions. Par contre, si vous souhaitez vous orientez vers du coaching scolaire à destination d’élèves, c’est une activité accessoire pour laquelle il faudra formuler une demande. Vous pouvez consulter à ce sujet l’avis n° 2022-008 du collège de déontologie.
Créer ou reprendre une entreprise
Pour obtenir l’autorisation de créer ou reprendre une entreprise, il faudra obligatoirement demander un temps partiel pour ce motif précis. Un temps partiel accordé pour une autre raison ne sera pas pris en compte. Le temps partiel pour création ou reprise d’entreprise est accordé pour trois ans maximum, renouvelable pour une année après dépôt d’une nouvelle demande un mois avant le terme de la première période.
Le dossier de demande d’autorisation est plus conséquent que celui des activités accessoires car l’administration doit saisir une commission de déontologie, qui rend son avis dans un délai de un mois. Passé ce délai et en l’absence de retour de la commission, l’avis est considéré comme favorable, et l’administration se prononce sur la demande.
L’autorisation vaut en principe pour une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois pour une année supplémentaire. Passé ce délai, il vous faudra prendre une décision: vous quittez votre entreprise, ou vous démissionnez.
A noter qu’il est impératif de présenter sa demande d’autorisation avant de commencer les démarches de création d’entreprise.
Effectuer sa demande de cumul d’activités
Le premier réflexe avant de commencer les démarches est de consulter la circulaire relative au cumul d’activités dans votre académie. Toutes les démarches ainsi que le calendrier à suivre y sont inscrits. Le sujet se prêtant à de nombreuses interprétations, il est également recommandé de vous rapprocher de votre gestionnaire et/ou de solliciter l’avis du collègue de déontologie de l’éducation nationale.
La demande d’autorisation doit impérativement être préalable au commencement de l’activité pour laquelle elle est demandée.
En fonction de votre académie d’exercice et de votre statut, professeur des écoles ou professeur du second degré, la demande pourra être faite via un formulaire en ligne ou via un imprimé.
L’administration accuse réception de la demande et peut, dans un délai de quinze jours, demander des compléments d’information.
L’administration a un mois après réception d’une demande complète, deux mois si des compléments d’informations ont été apportés, pour donner une réponse à l’agent. A défaut, la demande est réputée acceptée.
Les demandes sont à renouveler chaque année. De même, toute modification substantielle (rémunération, conditions d’exercices) s’apparente à une nouvelle activité et doit alors faire l’objet d’une nouvelle demande.
L’administration se réserve le droit de mettre fin à l’autorisation accordée dès lors que l’activité ne revêt plus un caractère accessoire ou si les informations données lors de la constitution du dossier semblent erronées. N’espérez donc pas doubler votre salaire avec une activité dite “accessoire”.
Les conséquences d’un cumul d’activités non autorisé
Comme vous pouvez le constater, le cumul d’activités au sein de la fonction publique est strictement encadré et l’exercice d’une activité non autorisée peut avoir de lourdes conséquences. En effet, l’agent qui enfreint la loi s’expose à:
- l’obligation de reverser toutes les sommes perçues
- une procédure disciplinaire à son encontre
- des poursuites pénales si l’activité est à l’origine d’une prise illégale d’intérêts.
J’espère que la lecture de cet article vous permettra d’y voir plus clair. Le cumul d’activités est une solution intéressante pour les enseignants souhaitant explorer d’autres voies professionnelles sans prendre trop de risques. Néanmoins, les textes pouvant parfois (souvent) donner lieu à diverses interprétations, il est essentiel de prendre toutes les précautions nécessaires pour rester dans les clous. En cas de doute, n’hésitez pas à vous faire accompagner.
Bonjour, merci pour cet article intéressant.
Tout juste titulaire du diplôme d’état d’éducatrice de jeunes enfants et exerçant en tant que professeur des écoles, j’aimerais exercer le métier d’éducatrice pendant les vacances scolaires en étant rémunérée.
Ce cumul d’activités est-il possible ?
Merci d’apporter une attention à ma question.
Il est tout à fait possible d’exercer le métier d’éducatrice pendant les vacances scolaires, tout comme les fonctions de directeur ou d’animateur de centre de vacances, mais par principe, il faudrait en avertir votre IEN avant.
Bonjour,
Je suis enseignant (technologie) et j’ai un CAP pâtissier depuis quelques années (obtenu en candidat libre). Je vais être en temps partiel à la rentrée prochaine. Je souhaiterais à terme être formateur en pâtisserie dans un Greta ou en CFA mais ils recrutent principalement des personnes ayant une expérience professionnelle que je n’ai pas. Est-ce que je peux être salarié à temps partiel dans une pâtisserie en dehors de mes heures de cours pour acquérir cette expérience professionnelle qui est demandée ?
Bonjour Philippe,
L’activité de pâtissier ne figure pas dans la liste des activités susceptibles d’être exercées à titre accessoire fixée à l’article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.
Cette activité n’est donc susceptible d’être exercée que dans le cadre d’une autorisation de mise
à temps partiel pour création d’entreprise, ou lors d’une disponibilité pour convenances personnelles (sur autorisation). Cela pourrait éventuellement être possible dans le cadre d’une mise en disponibilité pour garde d’enfants de moins de 12 ans (de droit, et possible en cours d’année), uniquement si vous êtes dans ce cas de figure et si vous pouvez justifier d’horaires de travail compatibles).